Peur et alimentation

Nous attribuons parfois des pouvoirs positifs ou négatifs aux aliments que nous ingérons, avec la peur que ceux-ci agissent sur la vitalité, sur la silhouette ou l’éthique. Ces peurs sont accentuées par notre regard, notre vision, celle des autres, notre éducation, la transformation des aliments, les stéréotypes de la société, l’abondance alimentaire, ainsi que les recommandations à tout va et les idées véhiculées par certains « régimes » ou expériences passées.
Quelques types de peurs : la peur du manque ; celle de la gestion de l’abondance susceptible d’engendrer l’excès ; la peur de l’empoisonnement ; des peurs, plus superficielles mais réelles, liées à des sensations, des émotions, des croyances.
- La peur du manque structure les comportements alimentaires par les expériences passées (famines) ou dans nos sociétés modernes par l’accès à un seul type d’alimentation (« malbouffe »). Il est possible alors de passer de la peur du manque à celle de l’excès qui génère ruminations et réflexions (individualité, responsabilité et sentiment de culpabilité). La méfiance s’installe et l’inquiétude avec. La relation à l’alimentation devient particulière parfois obsessionnelle.
- La peur de la gestion de l’abondance susceptible d’engendrer l’excès. La tendance après le confort de l’abondance alimentaire est d’alléger son alimentation en excluant certains aliments (trop riches, trop gras, trop sucrés, ou en évitant complètement les sucres lents) dont nous avons peur.
- La peur de l’empoisonnement, cette peur structure les comportements alimentaires. Manger s’avère une prise de risque. Cela également débouche alors sur des méfiances à l’encontre de certains aliments jugés peu ou trop caloriques selon la société, et nous classifiant dans la « rondeur » ou la « minceur ». Au-delà de cela, divers courants de pensée religieuses, éthiques, idéologiques, « scientifiques » rentrent également en jeu.
- La peur liée aux inquiétudes déclenchées par les sensations et les émotions au moment de la consommation des aliments, à la conséquence de cette ingestion sur son comportement et son « bien-être » … Peur de mal choisir, peur de mal reproduire le modèle envié, peur de l’addiction…
La dimension affective vis-à-vis de l’alimentation fait découler deux problématiques : tout d’abord le fait de ne plus être en contact direct avec le producteur (grosse chaîne agroalimentaire) augmente le doute de la qualité du produit (réel ou imaginé), et d’un autre côté l’aspect « réconfort » de l’alimentation. Qui peut tendre à un désaccord entre réels besoins et compensation des plaisirs « manqués » de la vie par le plaisir alimentaire.
L’alimentation se veut avec une tendance à l’individualisation, à la liberté de choix et aux rythmes alimentaires personnels. Cela met en jeu la responsabilisation et parfois le sentiment et la peur d’être coupable.
La peur provient de ce « flou ». Ce manque de clarté qui est régi par les actions scientifiques et médiatisations mal faites où chacun tire la couverture à lui en espérant y trouver reconnaissance. Ceci dénoncé par certains « sauveurs » pour certains gourous.
De façon individuelle, nous nous construisons un nouveau répertoire alimentaire selon divers paradigmes de ce qui semble comestible ou non. Certains se positionnant de façon extrême et arrivant à ce que nous appelons de l’orthorexie (le désir de manger sain). En l’imposant à son entourage en rôle de les « protéger » et en édifiant une stratégie inconsciente de désir de pouvoir pour bâtir un nouvel « ordre » alimentaire.
Au milieu de tout cela, il s’agit de prendre du recul sur ces « peurs » qui n’apparaissent que comme un signal. Une alerte qui nous met en garde que nous sortons de notre
« norme ». Il en convient de faire des choix conscients en fonction de notre propre réflexion et connaissances recroisées de plusieurs sources, et de voir ce qui nous convient le mieux. D’être conscient de la liberté de chacun face à cela et ne pas tomber dans un jeu de rôles ou jeu d’égo.
L’objectif étant de manger correctement sans crainte, en fonction de nos goûts, de ce que nous aimons, avec l’environnement que nous aimons, et en essayant de prendre soin de celle-ci et de nous sans s’imposer quoique ce soit de rigide ou extrême. De retrouver simplicité et plaisir de manger !